Location d’un bien immobilier : le traitement fiscal des amortissements à différer (article 39 C du CGI)
Lorsque vous investissez dans un bien immobilier pour vous constituer un patrimoine immobilier en le louant, il est nécessaire de comprendre la différence entre résultat comptable et résultat fiscal. Votre imposition sera calculée à partir de ce second résultat. Or, il faut savoir que l’article 39 C du code général des impôts peut limiter la réintégration des amortissements (dits amortissements différés), calculés pour obtenir votre résultat comptable, dans le calcul du résultat fiscal. En clair, votre optimisation s’en trouve limitée. Compta-Facile revient, au travers d’un cas pratique, sur ce calcul assez complexe pour le bailleur immobilier.
Les amortissements non déductibles à différer, qu’est-ce que c’est ?
Il faut distinguer les amortissements fiscalement déductibles et les amortissements comptablement déductibles.
Le plan comptable général dicte les principes et les méthodes applicables en comptabilité qui permettent d’obtenir le résultat comptable.
Cependant, le résultat comptable est souvent différent du résultat fiscal. Le résultat fiscal est déterminé suite aux déductions et/ou réintégrations extra-comptables imposées par le code général des impôts. Les écritures extra-comptables ne sont pas à saisir en comptabilité, elles interviennent « hors comptabilité ».
Les calculs des diverses taxes sont effectués à partir du résultat fiscal.
Les amortissements différés sont des amortissements qui n’étaient pas déductibles fiscalement par le passé mais qui seront déductibles plus tard, vous différerez leurs déductions.
Attention, vous ne devez pas confondre avec les amortissements régulièrement et irrégulièrement différés, qui eux correspondent à un oubli de comptabilisation d’amortissements.
Les amortissements différés sont des amortissements qui fiscalement (c’est une notion purement fiscale) sont :
- Soit mis en attente de déduction, ils seront déduits sur les années à venir,
- Soit déduits sur l’année en cours puisque réintégrés les années passées.
Dans quels cas vos amortissements ne sont pas déductibles fiscalement ?
Il faut différencier deux types de loueurs pour comprendre comment la limitation imposée par l’article 39 C du CGI s’applique :
- Les personnes physiques :
- Il s’agit de personnes soumises à l’impôt sur le revenu dont l’activité de loueur rentre dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux.
- Par exemple, les loueurs de meublé non professionnels (LMNP), les loueurs de meublé professionnels (LMP)…
- Les « structures » soumises au régime fiscal des sociétés de personnes :
- Ici, nous ne traiterons pas de ce cas vraiment plus complexe. Vous ne devez pas hésiter à contacter un expert-comptable pour vous accompagner sur ce sujet.
En cas de déficit
La règle dictée par l’article 39 C du CGI
L’article 39 C du CGI prescrit des règles d’amortissements spécifiques. Il justifie son origine dans la volonté de restreindre les avantages de défiscalisation. Il a pour but de neutraliser le résultat fiscal qu’il soit positif ou négatif. Néanmoins, un résultat déficitaire ne deviendra jamais bénéficiaire et inversement, on cherche à le faire tendre vers zéro.
Cet article impose deux calculs de limitation de déduction des amortissements les années déficitaires. Le traitement fiscal des années bénéficiaires est expliqué dans la prochaine partie.
Dans cet article, nous vous détaillerons uniquement la limitation applicable aux personnes physiques.
Qui est concerné ?
- Les personnes physiques mettant à disposition un bien
La limitation
Montant limite des amortissements déductibles =
Montant du loyer acquis (charges versées au propriétaire comprises) – Montant des charges afférentes au bien immobilier (hors charges induites par l’activité de loueur mais non induites par la location, telles que les frais de comptabilité, la rémunération du dirigeant, CET) |
Attention, en comptabilité, le terme acquis n’a pas le même sens que le terme perçu. Le terme loyers acquis signifie loyers courus, c’est-à-dire les loyers exigibles en N qui ont donc pour origine l’année en cours. Par exemple, en janvier N, le locataire paie le loyer de décembre N-1, il s’agit d’un loyer perçu puisque son origine date de N-1. Alors que si en décembre N, le loyer n’est pas payé mais le sera en janvier N+1, il s’agit d’un loyer acquis.
Dans le cas où vous, personne physique, détenez plusieurs biens, vous devez calculer la limitation globalement, pas besoin d’isoler chaque bien pour le calcul.
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L’application de la limitation fiscale
Reprenons le calcul détaillé au-dessus.
Nous vous proposons un tableau utilisable tous les ans pour calculer le montant limite d’amortissements déductibles fiscalement :
Loyers (charges versées au propriétaire comprises) |
– | Intérêts d’emprunt du bien concerné | Taxes (par ex, taxe foncière ; exclue la CET) | Autres charges afférentes à la location du bien |
= | Limite du montant d’amortissements déductibles | |
N | |||||||
N+1 | |||||||
N+2 | |||||||
N+3 | |||||||
N+4 |
La dernière colonne vous donne le montant maximum d’amortissements du bien immobilier en location déductible fiscalement. Le reste est à réintégrer.
Voici un second tableau qui vous apportera un suivi clair :
Montant total des amortissements comptabilisés du bien | – | Limite du montant d’amortissements déductibles | = | Résultat positif : montant à réintégrer fiscalement Résultat négatif : rien à réintégrer | |
N | |||||
N+1 | |||||
N+2 | |||||
N+3 | |||||
N+4 |
Lorsque le montant des amortissements du bien immobilier est inférieur à la limite calculée, l’amortissement du bien immobilier est entièrement déductible.
Exemple :
Un LMNP, Madame X a acheté un appartement le 1 janvier N pour 230 000 € HT (amortissable sur 70 ans) et le loue à Monsieur Y pour un loyer de 700 €, s’additionne à cela des charges de 50 € par mois depuis le 1 février N.
Madame X rembourse 300 € d’intérêts d’emprunt tous les mois. Elle a également payé une taxe foncière de 250 € et le reste des charges afférentes à la location du bien s’élève à 1 700 €. En N, le résultat comptable est déficitaire.
Loyers (charges versées au propriétaire comprises) | – | Intérêts d’emprunt du bien concerné | Taxes (par ex, taxe foncière ; exclue la CET) | Autres charges afférentes à la location du bien | = | Limite du montant d’amortissements déductibles | |
N | 8 250 €[(700 + 50) x 11 mois] | 3 600 €[300 x 12 mois] | 250 € | 1 700 € | 2 700 € |
Calcul de l’amortissement linéaire :
230 000 € / 70 ans = 3 286 €
Montant total des amortissements comptabilisés du bien | – | Limite du montant d’amortissements déductibles | = | Résultat positif : montant à réintégrer fiscalement Résultat négatif : rien à réintégrer | |
N | 3 286 € | 2 700 € | 586 € |
Les 586 € sont à réintégrer dans le résultat fiscal pour respecter les modalités de l’article 39 C du CGI dans la limite du déficit.
En cas de bénéfice
Dans le cadre de l’article 39 C du CGI, lorsqu’un bénéfice se présente, il est nécessaire d’essayer de le réduire pour remplir l’objectif de neutralisation du résultat fiscal.
Les explications à suivre sont valables uniquement en cas d’année bénéficiaire précédée d’une ou plusieurs années déficitaires dont les amortissements ont été réintégrés. Lorsqu’aucun amortissement n’a été différé sur les années passées, vous ne pouvez rien imputer, le résultat n’est pas modifiable.
Cependant, lorsque des amortissements ont été différés les années précédentes, vous pouvez déduire ces amortissements puisqu’ils sont en attente de déduction.
Attention, les amortissements différés ne sont pas imputables sur les bénéfices exceptionnels. C’est-à-dire qu’ils ne peuvent s’imputer que sur le bénéfice résultant du calcul initial, loyers acquis diminués des charges afférentes à la location du bien.
Afin de suivre les diverses réintégrations et déductions, il est conseillé d’utiliser un tableau. Voici le modèle que l’on vous propose :
Années | Amortissements non déductibles réintégrés | Amortissements différés déduits | Solde des différés restants à déduire |
N | A | B | A – B = S1 |
N+1 | C | D | S1 + (C – D) = S2 |
N+2 | E | F | S2 + (E – F) = S3 |
… |
Exemple :
En N-3, le LMP X avait réintégré fiscalement des amortissements excédant la limitation pour 2 000 €.
En N-2, le LMP X avait un résultat comptable bénéficiaire de 1 800 €.
En N-1, le LMP X avait réintégré fiscalement des amortissements excédant la limitation pour 2 200 €.
En N, le LMP X a un résultat comptable bénéficiaire de 3 500 €.
En N-2, on observe que 2 000 € d’amortissements différés sont en attente alors que le résultat comptable est de 1 800 €. En appliquant l’article 39 C du CGI, on déduit 1 800 € des amortissements réintégrés en N-3. Le résultat fiscal atteint 0 € et il reste 200 € d’amortissements différés de N-3.
En N, on constate qu’il y a 2 400 € d’amortissements différés (cumul des 200 € de N-3 et des 2 200 € de N-1). En appliquant à nouveau l’article 39C du CGI, on déduit la totalité des amortissements différés, le résultat fiscal est un bénéfice de 1 100 € (3 500 € de résultat comptable – 2 400 € d’amortissements déduits extra-comptablement).
Années | Amortissements non déductibles réintégrés | Amortissements différés déduits | Solde des différés restants à déduire |
N-3 | 2 000 € | – € | 2 000 € |
N-2 | – € | 1 800 € | 200 € |
N-1 | 2 200 € | – € | 2 400 € |
N | – € | 2 400 € | 0 € |
Conclusion : Le résultat comptable est rarement identique au résultat fiscal qui, lui, est taxable. Dans le cadre de l’activité de loueur, les amortissements déduits doivent être inférieurs aux limitations en cas de déficit, dans le cas inverse, ils doivent être réintégrés et ainsi différés. En cas de bénéfice, les amortissements différés doivent être déduits si possible à hauteur du résultat bénéficiaire pour respecter l’obligation de neutralisation du résultat fiscal. Au vu de la complexité de ces retraitements fiscaux, il est commun de faire appel à un expert-comptable pour être accompagné sur ce sujet.
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