Comptabilisation des contrats à long terme selon la méthode à l’achèvement

Publié le 8 min
Ecrit par Thibaut Clermont

Une entreprise peut choisir de gérer ses contrats à long terme de deux façons différentes en comptabilité. Compta-Facile a choisi de détailler, dans cet article, l’une d’entre elles appelée la méthode à l’achèvement. L’objectif est d’apporter une réponse à la question : comment comptabiliser un contrat à long terme en utilisant la méthode à l’achèvement ?

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Rappels sur les contrats à long terme

La gestion des contrats à long terme ne s’impose, en pratique, que dans la comptabilité de quelques secteurs d’activité : la comptabilité d’une entreprise de bâtiment, d’ingénierie informatique, d’industrie spatiale ou aéronautique. Ces contrats sont caractérisés par une durée assez longue (au moins 2 exercices comptables différents). Ils concernent des projets complexes et généralement uniques. Ils ont été intégralement présentés dans la publication ci-contre : définition et gestion des contrats à long terme.

En comptabilité, les contrats à long terme bénéficient de deux traitements distincts. Le premier est appelé « méthode à l’avancement » (il a été abordé séparément : traitement comptable de la méthode à l’avancement des contrats à long terme). Le second est la méthode à l’achèvement (c’est ce traitement qui est présenté ici).

Dans les deux cas, il est nécessaire de calculer la marge prévisionnelle qu’une entreprise pense dégager sur ses contrats à long terme. Ce calcul est réalisé contrat par contrat, dès leur conclusion effective. Voici comment la calculer (pour plus de détails, il convient de consulter l’article donnant une définition complète des contrats à long terme) :

Marge prévisionnelle = produits certains et rattachables directement au contrat – coût de revient du contrat

La marge prévisionnelle peut être :

  • Positive c’est-à-dire supérieure à 0

On parle de bénéfice à terminaison. Celui-ci sera tout simplement négligé dans la méthode à l’achèvement.Il sera entièrement pris en compte au cours de la dernière année du contrat.

  • Négative c’est-à-dire inférieure à 0

L’entreprise réalise une perte à terminaison. Les travaux en-cours doivent être dépréciés et une provision complémentaire doit être constatée dans certaines conditions.

Traitement comptable des contrats à long terme avec la méthode à l’achèvement

Traitement comptable de la méthode à l’achèvement pour les contrats bénéficiaires

Dans la méthode à l’achèvement et en cas de résultat à terminaison positif, le résultat et le chiffre d’affaires ne sont pas comptabilisés au fur et à mesure de l’exécution du contrat mais uniquement lorsque le bien commandé est livré ou que la prestation de services commandée est définitivement exécutée. Les traitements comptables sont les suivants :

1/ Tout au long de l’exercice comptable

Les dépenses supportées dans le cadre de l’exécution des contrats sont comptabilisées normalement.

2/ A la clôture de l’exercice comptable

Les en-cours qui concernent le contrat sont valorisés et comptabilisés à la clôture de chaque exercice. Ils ne doivent comprendre que les charges qui ont été enregistrées (la marge est exclue de la valorisation). Lorsque le contrat prend fin, le produit est constaté et le bénéfice enregistré grâce à l’extourne qui est faite des travaux en-cours ou services en-cours.

Traitement comptable de la méthode à l’achèvement pour les contrats déficitaires

A l’inverse, lorsque le résultat est déficitaire, une provision doit être constatée indépendamment de l’avancement. La perte globale doit être provisionnée pour sa totalité. Elle doit être comptabilisée au moyen :

  • D’une dépréciation portant sur les en-cours en tenant compte du pourcentage d’avancement des travaux
Dépréciation des en-cours = perte globale estimée * ( en-cours valorisés à la clôture de l’exercice / coût de revient global estimé )
  • D’une provision pour risques pour le surplus
Provision pour risques = perte globale estimée – dépréciation des en-cours

Une autre solution consiste à déprécier en priorité les travaux en-cours sans tenir compte du pourcentage d’avancement. Toutefois, outre le fait qu’elle soit dénuée de toute logique, elle entraîne des retraitements extra-comptables (voir ci-dessous). La méthode présentée ici est celle préconisée par la doctrine comptable et notamment les revues professionnelles.

Fiscalement, seule la dépréciation calculée en fonction de l’avancement est entièrement déductible (la déduction étant limitée à la provision pour perte correspondant à l’excédent du coût de revient des travaux exécutés à la clôture sur le prix de vente). Par ailleurs, la provision pour risques relative aux travaux non encore exécutés à la clôture n’est pas déductible et doit être réintégrée.

Exemples de traitements comptables de contrats à long terme avec la méthode à l’achèvement

Application de la méthode à l’achèvement avec une marge prévisionnelle positive

Reprenons le cas exposé dans le cadre de la méthode à l’avancement et appliquons lui la méthode de l’achèvement. Cela permettra de mettre en évidence les différences entre les deux méthodes. Une entreprise choisit d’appliquer, pour ses contrats à long terme, la méthode à l’achèvement. Voici les données qu’elle anticipe :

Exercice Produits totaux prévus Charges totales prévues Marge prévisionnelle
N 10 000 7 500 2 500 (1)
N+1 11 000 9 000 2 000
N+2 11 000 9 000 2 000

(1) 10 000 – 7 500

Voici les charges réellement supportées ainsi que le calcul du résultat à la clôture de chacun des 3 exercices comptables :

Exercice Charges engagées à la clôture Variation de stocks d’en cours Chiffre d’affaires Résultat
N – 3 000 + 3 000 0 0
N+1 – 4 200 + 4 200 0 0
N+2 – 1 800 – 7 200 11 000 2 000 (1)
Total 9 000 0 11 000 2 000

(1) – 1 800 – 7 200 + 11 000

A la clôture de chacun des exercices, l’entreprise devra enregistrer des stocks d’en-cours. Voici l’écriture à comptabiliser afin de constater les en-cours chaque année :

  • Débit du compte 33 « En-cours de production de biens » ou du compte 34 « En-cours de production de services »,
  • Crédit du compte 7133 « Variation des en-cours de production de biens » ou du compte 7134 « Variation des en-cours de production de services ».

Le résultat est ainsi neutralisé dans les comptes chaque année jusqu’au terme du contrat. L’année de son dénouement, les en-cours sont extournés (- 7 200 €) et impacteront, avec les dernières charges supportées au cours de cette année (- 1 800 €), le chiffre d’affaires finalement facturé (+ 11 000 €) pour former le résultat final (2 000 €).

Application de la méthode à l’achèvement avec une marge prévisionnelle négative

Imaginons maintenant que le résultat prévu soit négatif. Voici les projections effectuées par l’entreprise :

Exercice Produits totaux prévus Charges totales prévues Marge prévisionnelle
N 10 000 12 500 – 2 500
N+1 11 000 14 500 – 3 500
N+2 11 000 14 500 – 3 500

Il lui est alors conseillé de procéder, chaque année, au calcul d’un pourcentage d’avancement de son contrat :

Exercice Charges réelles cumulées à la clôture Charges totales prévues Degré d’avancement
N 3 000 12 500 24% (1)
N+1 9 000 14 500 62% (2)
N+2 14 500 14 500 100%

(1) 3 000 / 12 500 | (2) 9 000 / 14 500

Le risque global doit obligatoirement faire l’objet d’une provision dès qu’il est connu et pour sa globalité. Il sera alors éclaté et ventilé en deux éléments distincts : une dépréciation portant sur les en-cours (en fonction du pourcentage d’avancement des travaux) et une provision pour risque (pour le surplus) :

Exercice Dotations (-) ou reprises (+) Chiffre d’affaires Charges supportées Variations de stocks Résultat
Dépréciation des en-cours Provision pour risques
N – 600 (1) – 1 900 (2) 0 – 3 000 + 3 000 – 2 500 (3)
N+1 – 1 570 (4) + 570 (5) 0 – 6 000 + 6 000 – 1 000 (6)
N+2 + 2 170 + 1 330 11 000 – 5 500 – 9 000 0
Total 0 0 11 000 14 500 0 – 3 500

(1) – 2 500 * 24% | (2) – 2 500 – ( – 600 ) | (3) – 600 – 1 900 – 3 000 + 3 000

(4) – ( 3 500 * 62% ) – 600 | (5) – 3 500 – ( – 1 570 – 1 900 – 600) | (6) – 1 570 + 570 – 6 000 + 6 000

L’écriture de dépréciation des en-cours sera :

  • Débit du compte 6817 « Dotations aux provisions pour dépréciation des actifs circulants »,
  • Et crédit du compte 393 « Provisions pour dépréciation des en-cours de production de biens » ou du compte 394 « Provisions pour dépréciation des en-cours de production de services ».

Puis, pour ce qui concerne la reprise :

  • Dédit du compte 393 « Provisions pour dépréciation des en-cours de production de biens » ou du compte 394 « Provisions pour dépréciation des en-cours de production de services »,
  • Crédit du compte 7817 « Reprises sur provisions pour dépréciation des actifs circulants ».

Quant à la comptabilisation de la provision pour risques :

  • Débit du compte 6815 « Dotations aux provisions pour risques et charges d’exploitation »,
  • Et crédit du compte 151 « Provisions pour risques ».

Et à leur reprise :

  • Débit du compte 151 « Provisions pour risques »,
  • Et crédit du compte 7815 « Reprises sur provisions pour risques et charges d’exploitation ».

Conclusion : dans la méthode à l’achèvement, ni le chiffre d’affaires ni le résultat ne sont comptabilisés lorsque le contrat est en cours d’exécution (s’il est prévu de réaliser un bénéfice). Si des pertes sont à attendre, des dépréciations et provisions sont obligatoires.

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Merci pour votre vote.

Ecrit par
Thibaut Clermont

Thibaut CLERMONT, mémorialiste en expertise-comptable et fondateur de Compta-Facile, site d'information sur la comptabilité.

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